mercredi 22 juin 2011

Six (6) ans d’humilité et d’enseignement

 À l’occasion du 6ème anniversaire du pontificat du Pape Benoît XVI célébré le 19 avril 2011, de nombreuses personnes physiques ou morales, dont beaucoup d’institutions et surtout des organes de presse, ont dressé, à leur manière, en fonction de leurs obédiences et de leurs lignes éditoriales, leurs bilans souvent bien détaillés. Invité à proposer le nôtre en tant que fidèle catholique et ancien séminariste, nous avons saisi l’occasion pour nous autoriser un point de vue que nous voulons empreint d’objectivité qui, plus est, essaie d’appréhender les faits majeurs du pontificat en leur apportant la lecture adéquate, débarrassée des interprétations tendancieuses et des soupçons partisans.

D’ores et déjà, il convient de reconnaître que le Pape Benoît XVI, après 6 ans de pontificat, reste populaire dans l’Église catholique avec la confiance générale de ses coreligionnaires. La plupart des avis défavorables, des reproches et des insultes faits au Souverain Pontife émanent de leaders d’opinions et de médias dont les lignes éditoriales et les mobiles sont souvent ignorés des lecteurs. En outre, il importe de noter que certaines de ces mêmes accusations dirigées contre Benoît XVI avaient été avancées, il y a seulement quelques années, contre son vénéré prédécesseur le Pape Jean-Paul II. Mais, comme on le dit souvent, le meilleur Pape est toujours celui qui est mort.

Toutefois, ce bilan que nous dressons ne consiste pas à affirmer que la barque de saint Pierre est parfaite. Le Pape Benoît XVI lui-même affirme sans cesse que l’Église a besoin de purification. Les avis peuvent diverger sur un certain nombre de choix ou de propos du Pape, mais par rapport à la mission à lui confiée par le Christ, il semble bien que le bilan est positif. De toutes les façons, les catholiques du monde entier ne s’attendent pas à ce que ce soit des penseurs ou des philosophes, parfois athées, libéraux ou libertins ou, tout simplement, des personnes dont l’assise morale ou l’objectivité n’est pas avérée, qui dressent le bilan dont ils doivent tenir compte.

Au regard de son âge, d’une part, de la diversité des difficultés qu’il a rencontrées et des critiques qu’il a essuyées, d’autre part, il est admirable de voir comment le Pape a continué d’assumer sa tâche de guide du peuple chrétien sans ressentiment. Le plus édifiant est sans doute qu’il n’ait pas cédé à la provocation et que, face à chaque difficulté rencontrée par l’Église, sa hiérarchie et ses fidèles, il ait toujours essayé d’apporter des solutions. Ce faisant, il a gratifié l’Église d’une belle leçon d’humilité. Aussi, est-il important de noter que l’ampleur des problèmes à régler n’a pas enlevé à cet intellectuel de premier plan une de ses qualités principales : l’enseignement des fidèles aux fins de leur éducation religieuse. Dès lors, il importe, en dressant le bilan de ces 6 années de pontificat, de ressortir, dans un certain nombre d’événements cruciaux de cette période, comment, avec humilité et pédagogie, Benoit XVI a transcendé des attaques injustes et assumé les critiques constructives faites à l’Église ou à sa personne.

La vie privée du Pape

La vie du Cardinal Joseph Ratzinger, devenu Benoît XVI, ne nous était ni particulièrement familière ni suffisamment connue au Burkina notamment avant sa nomination par le Pape Jean-Paul II à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Mais dès cette nomination, le brio avec lequel il défendait les positions de l’Église lui a valu progressivement mais massivement l’organisation d’une foule d’adversaires issus de convictions, de confessions, de formations et d’horizons divers. La résistance et la fermeté avec lesquelles il a assumé sa tâche ont suscité en sa faveur une grande popularité dans l’Église. Mais, ce qui a le plus édifié les contempteurs du Pape actuel, c’est le calme et la sérénité qu’il a su garder face aux attaques les plus viscérales à l’égard de ses positions religieuses, de ses convictions spirituelles et philosophiques mais surtout à l’égard de sa personne et de sa vie privée. En effet, la principale réponse apportée aux critiques a toujours été empreinte d’humilité au point que ces circonstances ont été des occasions d’instruire le peuple chrétien sur la nécessité de la prière, du repentir et de l’abandon à Dieu.

Déjà, dès sa nomination en 1981 comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, une certaine presse attaquait le Cardinal Ratzinger, le traitant de « Panzer-Cardinal », à cause de son énergique défense des doctrines de l’Église. La basse manœuvre a d’ailleurs continué après son élection à la papauté quand la presse a commencé à parler de son appartenance, à l’instar de tous les jeunes de son âge, aux « jeunesses hitlériennes ». Elle reviendra encore de plus belle à l’occasion de la reprise du processus de béatification du Pape Pie XII initiée depuis 1967 par l’Église. Une fois encore, on essaya de créer un lien entre les origines allemandes de Benoît XVI, son passé dans les jeunesses hitlériennes et la béatification d’un Pape qu’on accuse injustement et sans aucune preuve historique d’avoir gardé le silence face aux massacres des juifs par les Nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale.

À propos de cette polémique qui ne finit pas de rebondir, il faut dire que l’ouverture méthodique des archives démontre que Pie XII fut plutôt un défenseur des Juifs. De fait, après la guerre, l’ancien Consul d’Israël à Milan, Pinhas Lapide, déclara : « L’Église catholique sous le Pontificat de Pie XII fut l’instrument qui sauva 700.000 mais probablement jusqu’à 860.000 juifs d’une mort certaine de la main des nazis. Ces chiffres dépassent de très loin ceux de toutes les autres églises, institutions religieuses et organisations de secours réunis » (in Three Popes and the Jews, 1967, pp. 214-215). À la mort de Pie XII, Golda Meir, premier Ministre Israélien, déclara à l’ONU en 1958 : « Pendant les 10 années de la terreur nazie, quand notre peuple a souffert un martyre effroyable, la voix du Pape s’est élevée pour condamner les bourreaux et pour exprimer sa compassion envers les victimes. Nous perdons un grand serviteur de la paix »… Enfin, Albert Einstein, cité par l’hebdomadaire Time en 1949 déclare qu’alors que toutes les institutions ou États abandonnaient les juifs, l’Église Catholique a été « la seule » qui soit intervenue.

Des études récentes bien documentées montrent que Pie XII a bel et bien défendu les Juifs. Malgré tout cela, le Pape Benoît XVI est lui aussi présenté tout simplement comme un ennemi du peuple d’Israël et un sympathisant du nazisme. Ces accusations sont gravissimes et visent fondamentalement à saper son autorité et sa crédibilité. Elles reposent sur des fondements faux : d’abord, l’initiative de la béatification de Pie XII n’est pas à attribuer à Benoît XVI qui ne fait que reprendre un processus existant, ensuite, l’amour du Pape pour le peuple juif a trouvé des terrains d’expression indubitable. En effet, dans une volonté de vérité et de réconciliation des cœurs, il a effectué un pèlerinage en Terre Sainte à l’occasion duquel il a montré une amitié profonde et désintéressée, aussi bien pour les Israéliens que pour les Palestiniens, leur demandant de renoncer à la violence et de parcourir les chemins de la convivialité, du dialogue, de la fraternité, du partage, de la justice et de la paix. Ce voyage a constitué une réponse magistrale à tous ceux qui croyaient que le Pape est un ennemi du peuple juif. Au sortir de cette démarche, les relations avec les responsables de l’État d’Israël et ceux de la religion juive se sont sensiblement améliorées.

Les relations avec l’Islam

Après les juifs, on aligna les musulmans sur la liste des ennemis de Benoit XVI. Le discours de Ratisbonne fut saucissonné au gré des adversaires du Pape au point qu’une grande majorité de personnes ignorent encore aujourd’hui que ce discours était consacré aux relations entre foi et raison et au fait qu’aucune religion ne peut accepter la violence. La presse et des intellectuels généralement opposés à Benoit XVI choisirent de ne commenter que la référence à l’Islam. Quoique cette référence ne fût que la citation (suivie d’un commentaire de la citation) de ce qu’un empereur de Constantinople avait dit à un musulman alors que l’armée musulmane était sur le point de conquérir la seconde Rome, les commentaires ont préféré présenter un Pape islamophobe. Pourtant, il est impressionnant de voir que dans ce discours de 31 paragraphes, seulement 5 furent consacrés à l’Islam. Même le thème de la déshellénisation, qui est intellectuellement plus exposé au débat et même à la contestation, n’a fait l’objet que de 11 paragraphes dans ce discours. Qu’à cela ne tienne, les 5 paragraphes furent jugés plus sensationnels que les 26 autres. Humainement, on aurait pu s’attendre à une forte réaction du Pape ou du Vatican face à une surexploitation aussi tendancieuse que malheureuse du discours. Mais, rien de tout cela, l’homme d’Église garda le profil face à ce que tout le monde appelait la « gaffe de Ratisbonne ». Pourtant, au grand désarroi de ceux qui veulent encore déifier ce discours dans le panthéon de la discorde interreligieuse, Ratisbonne, on est obligé de le constater, a été une opportunité heureuse pour les relations entre Islam et Christianisme. D’abord, à l’instar de ce que Benoit XVI a dit à Ratisbonne, de nombreux intellectuels et responsables musulmans ont affirmé que l’Islam n’encourageait pas la violence et, mieux, s’en démarquait. Donc, sur ce point, il n’y a pas de divergence entre une religion qui condamne la violence et un Pape qui cite un empereur byzantin du 14ème siècle pour lequel «Dieu ne prend pas plaisir au sang (…) et ne pas agir selon la raison (‘sunlogô’) est contraire à la nature de Dieu. La foi, poursuit-il, est fruit de l'âme, non pas du corps. Celui qui veut conduire quelqu'un vers la foi doit être capable de parler et de penser de façon juste et non pas de recourir à la violence et à la menace... Pour convaincre une âme douée de raison, on n'a pas besoin de son bras, ni d'objets pour frapper, ni d'aucun autre moyen qui menace quelqu'un de mort... ».

Plus encore, on n’oublie souvent que Ratisbonne était une rencontre universitaire où le Pape intervenait en tant qu’intellectuel avisé qui peut argumenter sans se préoccuper de faire plaisir à son auditoire. Il avait en effet conçu ce discours comme une leçon strictement académique, sans visée politique. Toujours est-il que les sensationnistes de Ratisbonne en ont eu pour leurs frais lorsque, malgré leurs écrits et leur acharnement, le Pape programma une visite à Istanbul. Au cours de cette visite, Benoit XVI donna une preuve irréfutable de son ouverture d’esprit, de son respect de l’Islam et de son souci du dialogue interreligieux. Ainsi, rencontra-t-il le Patriarche orthodoxe de Constantinople ainsi que les chefs religieux musulmans. Et le nec plus ultra de la visite fut la prière à la Mosquée Bleue à Istanbul auprès du Grand Muphti. Ce voyage consacra les fruits d’une démarche humble, conciliante et chrétienne puisque les liens entre l’Islam et le Pape sortent renforcés comme ceux avec le patriarcat de Constantinople.

La controverse de Yaoundé

L’humilité va encore être la réponse à la controverse du préservatif sur la route de Yaoundé. Au début de l’histoire, une heureuse initiative : un Pape réputé peu diplomate, moins voyageur que son prédécesseur, décide d’aller en visite en Afrique. Au terme du voyage, le bilan est éloquent : plus d’une semaine au Cameroun et en Angola. Le Pape est écrasé par la foule, acclamé par des centaines de milliers de personnes. Il dénonce l’injustice sociale, la corruption, il rappelle l’égalité des sexes, il prie, il donne l’espérance et il manifeste la sollicitude de l’Église à l’égard des plus faibles, des plus pauvres. Les chrétiens d’Afrique sont ravis. Mais en Europe, la presse se déchaîne, occulte tout cela, s’intéresse à une phrase extraite de son contexte. Le Pape est assimilé à un assassin, comme on l’avait exactement fait avec son prédécesseur, Jean-Paul II, accusé lui aussi en novembre 2004, par une série de personnalités et d’organisations homosexuelles, de crime contre l’humanité, parce qu’il avait défendu les mêmes positions que son Successeur. Comme on peut l’imaginer, ces récriminations sont avancées par des gens qui ne comprennent rien aux positions de l’Église et qui sont de surcroît malintentionnés. Benoît XVI, qui n’entendait pas donner une conférence scientifique sur la controversée question des préservatifs, voulait simplement présenter la pensée de l’Église sur la sexualité humaine qui ne peut être banalisée. Il invitait ainsi les hommes et les femmes à humaniser la sexualité et à la vivre dans le contexte d’un amour fidèle avec l’aide de la grâce de Dieu selon la doctrine classique de l’Église.

La crise de la pédophilie

La dernière attaque en règle du Pape et de l’Église et, de loin, la plus éprouvante du pontificat est celle des affaires pédophiles. On oublie souvent de signaler que la pédophilie est une maladie. En soi, il s’agit d’un phénomène social réel et présent dans l’Église mais dans une proportion beaucoup moins importante qu’on veut le faire croire et bien plus présente dans la société qu’on veut le voir.
En la matière, comparer l’étendue du phénomène au sein du groupe des prêtres catholiques, du point de vue statistique, à d’autres catégories (socioprofessionnelles ou religieuses) peut paraître un exercice de mauvais aloi surtout si l’on venait à penser qu’une telle démarche vise à excuser les premiers. Pourtant, un tel exercice permet simplement de mieux saisir la mesure réelle de ce phénomène qui est devenu un vrai drame social dans une société où l’on tente de gommer tout repère moral. Une étude de Philip Jenkins, Pedophiles and Priests (Oxford University Press, New York 1996, pp 50 et 81) montre que, comparant l’Église Catholique à d’autres dénominations religieuses aux États-Unis, on se rend compte que les abus sur mineurs ont été plus nombreux dans ces derniers cas. Les mêmes données montrent que, contrairement à ce qu’une certaine presse a voulu faire croire, le comportement pédophile n’est point lié à la discipline du célibat. Le nombre de maîtres de gymnastique ou entraîneurs d’équipes de jeunes condamnés pour abus sexuel sur mineurs aux États-Unis dans l’intervalle de 50 ans est d’environ 6.000 (Michael Dobie, « Violation of Trust; When Young Athletes Are Sex-Abuse Victims, Their Coaches Are Often Culprits » Newsday, 9 juin 2002, p. C25).
Selon le Rapport Shakeshaft, demandé par le Ministère de l’Éducation des États-Unis et publié en 2004, le taux est de 6,7% des élèves des écoles élémentaires publiques américaines qui déclarent avoir été molestés par leurs maîtres ou par le personnel non enseignant (cf. Shakeshaft, Educator Sexuel Misconduct. A synthesis of Existing Literature, U.S. Department of Education, Office of the Under Secretary, Washington D.C. 2004, p. 20). Le même rapport révèle qu’aux États-Unis, 2/3 des abus sexuels sur mineurs viennent du cercle étroit de la famille ou de proches et non de personnes étrangères.
Le phénomène est donc social et global, mais à côté de toute l’évidence des faits, on assiste à un acharnement médiatique contre l’Église et le Pape, un acharnement qui a moins pour souci la défense de la cause des victimes que le désir sournois de ternir l’image de l’Église et, par là même, saper son autorité morale. Face à cette crise qui a pris des allures de tempête, le Pape a eu l’humilité et le courage de prendre sur lui l’opprobre et les humiliations dues aux péchés commis par d’autres et de demander pardon à Dieu et aux personnes victimes. Il ne s’est pas dérobé à un tel devoir et, au lieu d’accuser les journalistes d’accomplir une œuvre d’acharnement médiatique contre sa personne et l’Église Catholique, il a privilégié les excuses et les rencontres avec les victimes, appelant à l’occasion toute l’Église à une véritable conversion. Au cours d’un petit échange avec les journalistes dans l’avion qui le portait au Portugal le 11 mai 2010, il a donné la clé de lecture pour comprendre le drame que représente le péché de la pédophilie. Il y fait comprendre en effet que la plus grande persécution et la plus grande souffrance que vit l’Église – y compris le Pape _, dans les circonstances actuelles, ont ceci de nouveau qu’elles « ne viennent pas seulement de l’extérieur » mais surtout « de l’intérieur de l’Église, du péché qui existe dans l’Église ». En sa qualité de disciple du Seigneur, il a demandé à tous de s’engager avant tout dans la purification et la pénitence, et en tant que Successeur de Pierre, il s’est mis lui-même au-devant de ses fidèles et s’est chargé, en premier lieu, de la croix. En plus des excuses, des rencontres, l’Église, sous la direction de Benoit XVI, a pris de lourdes décisions auxquelles nous consacrerons prochainement un article détaillé. Il est évident que les directives claires et pressantes qui, depuis longtemps déjà, ont été données par le Saint-Siège, et pour la plupart sous l’impulsion de Benoît XVI lui-même alors Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, confirment toute la détermination de l’Église à faire œuvre de vérité. Intransigeant vis-à-vis de toute immondice, le Pape Benoît XVI s’est battu erga omnes pour la transparence et pour ne pas taire des situations crapuleuses. De lui, l’Église a appris à ne pas avoir peur de la vérité, même si elle est douloureuse et odieuse. Jamais, le péché de la pédophilie n’a été renié par l’Église. Jamais, il n’a été tu ou couvert par la haute hiérarchie de l’Église. Il a été géré avec une délicatesse que certaines personnes n’ont pas comprise ou ne veulent pas partager. Il s’agit ici d’une libre opinion que l’on se doit de respecter mais cette circonstance ne saurait justifier des stratégies de discrédit généralisé ou de destruction de l’Église. Mais, dans le sens des mesures énergiques qu’il était indispensable de prendre, l’Église procéda, en juillet 2010, à une profonde réforme, dans le sens de l’endurcissement, de ses « Normae de Gravioribus Delictis » (« Normes sur les délits les plus graves ») et les publia de façon claire et nette. Ces nouvelles normes qui furent reprises dans les principaux médias du monde, fluidifient mieux le traitement des cas d’accusations de pédophilie et permettent entre autres sanctions le retour du prêtre à l’état de laïc par son renvoi du clergé par décision directe du Pape, etc.
Ce qui est impressionnant dans la stratégie de gestion et du solutionnement de ces affaires par le Vatican, c’est l’association de toutes les dimensions de la guérison de ce crime. Et c’est sans doute dans cette philosophie que se joue toute l’incompréhension entre l’Église et ceux qui l’accusent de camoufler la pédocriminalité de certains prêtres. Pour les tenants de cette position, seule la punition par voie de justice civile et l’indemnisation des victimes constituent une solution au problème. Pour l’Église par contre, une personne qui abuse de personnes mineures, commet certes un péché terrifiant mais aussi, se rend coupable d’un crime odieux et répugnant, et, de ce fait, a concomitamment besoin de la justice, de soins et de la grâce. La justice, les soins et la grâce sont tous les trois nécessaires. La peine infligée pour ce délit ne guérit pas automatiquement et ne donne pas le pardon, tout comme, à l’inverse, le pardon du péché ne guérit pas automatiquement la maladie ni ne remplace la nécessité de la justice, tout comme les soins ne remplacent pas la peine, et encore moins, ne peuvent absoudre le péché.

L’action diplomatique

Enfin, sur le plan diplomatique, on a prédit qu’à s’en tenir à l’idée qu’on s’est faite du Cardinal Ratzinger, le Pape Benoit XVI serait un homme fermé et incapable de réussir les compromis utiles au maintien de la puissance diplomatique du Vatican et au développement global du dialogue interreligieux. Voilà pourquoi de nombreuses personnes affirmaient souhaiter un Pape rénovateur et peut-être « libéral » plutôt qu’un conservateur de la plus dure espèce. Nous-mêmes, dans un article du 24 mai 2010 consacré aux scandales pédophiles dans l’Église Catholique (in quotidien national Le Pays), après le rappel des critiques essuyées par le Pape au sujet du discours de Ratisbonne où on lui reprochait un manque de tact diplomatique, nous avons avoué que Benoit XVI ne serait pas le Pape le plus diplomate de l’histoire de l’Église. Nous le disions en pensant à son prédécesseur qui, en matière de diplomatie, a mis la barre assez haut. Mais, en 6 ans, le bilan diplomatique du pontificat de Benoit XVI est digne d’éloges. La quasi-totalité des zones géographiques à enjeux politique, économique, socio-culturel et surtout religieux de notre planète a connu la visite du Pape. On ne va pas y recenser les Corées, la Chine, le Vietnam ou le Darfour, mais il est important de noter que le Pape a effectué des déplacements et prononcé des discours dont l’analyse fait ressortir la perspicacité de sa vision du monde et sa puissance diplomatique. Ainsi, en allant à Istanbul en fin novembre 2006, il a affirmé l’importance du dialogue islamo-chrétien et posé des actes d’un engagement indéniable en la matière. En visitant Israël en mai 2009 et en recevant à plusieurs reprises de nombreux Rabbins, il a rendu à la religion juive l’hommage d’un Pape ouvert dont les origines n’ont jamais constitué un obstacle au dialogue entre le Vatican et le peuple juif. En se rendant à Chypre, l’île divisée, sur les traces de l’Apôtre Paul, il a rencontré comme à plusieurs reprises au préalable dont à Istanbul, les Patriarches de l’Église Orthodoxe. Et tout récemment sa visite en Grande Bretagne qui fut très médiatisée a permis la rencontre la plus avancée de l’histoire des relations entre Catholicisme et Anglicanisme. Lors de sa visite en Australie et aux États-Unis, deux pays fortement secoués par les scandales pédophiles, il a montré la force de son courage et à travers ses rencontres avec les victimes, il a obtenu pour l’Église le pardon des uns et l’expression sincère et réelle de la douleur profonde des autres. À travers ses discours, il a apaisé des cœurs, rassemblé des foules énormes, exprimé la désapprobation de l’Église et condamné les égoïsmes des fortunés de la terre. Dans ce sens, une preuve irréfutable de sa force diplomatique a trouvé son expression dans la crise des Roms et Gens de voyage en France. Alors que ces populations essuyaient le mépris des autorités politiques françaises, le Pape, au cours d’un angélus dominé par la langue italienne, a expressément prononcé en français, des paroles de condamnations de l’opulence des nantis et du mépris des pauvres. Il s’en est suivi des échanges vifs entre les hommes politiques français et les autorités locales de l’Église qui ont assuré le relai du Vatican. Tout cela s’est soldé par une demande d’audience du Président Nicolas Sarkozy au Vatican où la presse a reconnu qu’il est allé demander l’absolution et redorer son blason. Depuis cette visite, le sujet a été mis en berne favorisé également par les remontrances de l’Union Européenne. Finalement, au grand désarroi de ses détracteurs au nombre desquels nous pouvons citer Hans Küng, Benoit XVI, en dépit de son calme et fort de son humilité, est un Pape qui aura apporté une contribution considérable à la longue tradition diplomatique du Vatican. Cette humilité est un atout pour Benoit XVI qui en tire certainement l’essentiel de son autre passion : l’enseignement.

L’enseignement comme mission d’éducation des fidèles

L’immensité de la tâche n’a pas empêché le Pape de poursuivre son ministère d’enseignement. Trois encycliques retiennent l’attention et donnent le message des priorités du Pape dans l’exercice de son pontificat. La première, publiée le 25 décembre 2005 et intitulée « Deus Caritas est », propose une liaison des deux formes d’amour, l’eros et l’agapè, la première étant l’amour naturel entre l’homme et la femme et la seconde, le don de soi désintéressé fondé sur la foi. Cet écrit montre comment Jésus est l’Amour incarné de Dieu. Le 30 septembre 2007, la seconde, Spe salvi, présente le Christ comme la source d’espérance fondamentale dans le Salut. Cette encyclique aborde la question de la souffrance, celle des fins dernières, du jugement de Dieu « qui est espérance, aussi bien parce qu’il est juste que parce qu’il est grâce ». La troisième encyclique de Benoît XVI publiée le 29 juin 2009 s’intitule Caritas in veritate. Dans une mise à jour des encycliques Populorum progressio de Paul VI et de Centesimus annus de Jean-Paul II, au regard de l’évolution globale du monde et des situations nouvelles, Benoît XVI y aborde les thèmes sociaux, préconisant que le développement économique soit guidé par trois lignes directrices que sont : la responsabilité, la solidarité et la subsidiarité.

D’autres écrits importants ont retenu aussi l’attention des lecteurs au cours de ce pontificat. On peut citer L’essence de la foi (2006), Les apôtres et les premiers disciples du Christ : aux origines de l’Église (2007). Mais, un des plus édifiants est sans doute Jésus de Nazareth, paru également en 2007 et qui appelle à une relation personnelle avec le Jésus Fils de Dieu. Cet ouvrage qui a enregistré plus de deux millions d’exemplaires vendus, consacre une longue méditation sur les grandes scènes de la vie de Jésus depuis le HYPERLINK "http://www.eglise.catholique.fr/ressources-annuaires/lexique/definition.html?&lexiqueID=11&Expression=Baptême" baptême jusqu’à la HYPERLINK "http://www.eglise.catholique.fr/ressources-annuaires/lexique/definition.html?&lexiqueID=122&Expression=Transfiguration" Transfiguration, le dernier chapitre récapitulant les affirmations de Jésus sur lui-même, Fils de Dieu. Ce tome, qui n’était que le premier d’un binôme, a été récemment complété par un deuxième du même titre, Jésus de Nazareth, paru en 2011. Ce deuxième tome prolonge la réflexion du premier en reprenant la méditation sur la vie de Jésus de l’entrée à Jérusalem à la Résurrection.

En conclusion, on note qu’à l’évidence, l’Église est en train de vivre une expérience fort judicieuse avec ce Pape précédé et accueilli par une réputation d’incorrigible renfermé qui s’avère de jour en jour comme un grand Pasteur de l’Église catholique, auquel le Christ a confié la charge de confirmer ses frères et fils dans la foi. Il est un Pape qui s’avère aussi comme un éminent diplomate doublé d’un intellectuel qui accepte la controverse et sait faire des concessions mais jamais au mépris de la liberté et de la Tradition de la foi. En tout, ce qui l’importe est la fidélité à l’Évangile.

Osée Gaétan Possy-Berry QUENUM
Fidèle Catholique et Ancien séminariste
Email : qosee@yahoo.fr

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