mercredi 17 mars 2010

la morale agonise au faso

La morale agonise au Faso a dit l’élu. Donc la fin justifie les moyens dans un contexte ou l’homme politique a besoin d’argent pour financer sa carrière.


Il existe de nos jours une nouvelle race de serviteurs de la nation, pressée de se servir de la politique pour se servir. La politique pour eux est un moyen rapide de mobilité socio-économique. Ils mêlent affaires et politique de manière systématique. Leurs réussites politiques semblent se doubler de fructueux avantages privés. Pour ces fonctionnaires, la politique fait fructifier l’économie. Leur fortune dépend donc énormément de leur accession à un poste important dans l’administration ou la politique.

En contact avec une entreprise pour la réalisation d’un marché public ces cadres sont tentés de lui demander de passer à leurs domiciles pour quelques travaux. Le hic c’est que ces cadres ne veulent pas forcément de factures et quand bien même ils la réclameraient que l’entrepreneur oublierait de la leur envoyer.

Aussi ils se susurrent que les occupants de certains postes reçoivent deux clefs et un numéro dès le lendemain de leur nomination.

La clef d’une voiture luxueuse, une deuxième d’une villa et le numéro est celui d’un compte bancaire alimenté régulièrement. Vraies ou fausses affirmations ? Il faut être nommé à ces postes pour avoir le cœur net.

Reste un triste constat ! Moins de deux mois après leurs nominations à des postes de responsabilité, certains hauts fonctionnaires se retrouvent avec trois voitures à domicile: celle affectée aux besoins de madame est la même qui sert à amener les enfants à l’école. Une deuxième est utilisée pour les virées nocturnes en ville, et fait office de taxi pour la maîtresse. La dernière un véhicule 4x4 tout terrain de préférence permet de joindre l’intérieur du pays. Le système politique burkinabè à l’image de toute démocratie tire sa légitimité de règles préétablies.

N’en déplaise à certains toute démocratie est fondée sur un ensemble de valeurs plus ou moins complexes qui la soutiennent. Et Giovanni SARTORI dans sa théorie de la démocratie a affirmé que « politique et éthique ne sont ni identiques ni isolées l’une de l’autre dans des compartiments étanches ». La violation des valeurs morales fragilisent donc la légitimité des élus et partant celle de la démocratie burkinabè. Là ou la corruption est de mise, le lien de confiance entre électeurs et élites(ou élus)se rompt. C’est pourquoi prétendre que la corruption est un phénomène secondaire au Faso, ou que c’est un mal inévitable- à combattre tout en sachant qu’il est impossible de l’éradiquer- est une attitude cynique.

Certes aucun pays au monde n’est entièrement exempt de corruption. Mais là ou l’intérêt public se distingue des intérêts privés ; là ou le principe de la division entre sphère politique et sphère marchande est établi, la corruption se doit d’être considérée comme une pathologie donc nécessitant un traitement préventif et curatif. N’est ce pas le cas au Burkina ?

Le mal est connu. Même si les pratiques sont variées et les méthodes utilisées discrètes et sécrètes. Dans son sens originaire la corruption est toute altération d’un état premier considéré comme pur ou idéal. D’une manière plus flexible l’on peut considérer tout échange entre deux marchés clandestins comme de la corruption. Cet échange permet à des acteurs privés d’avoir accès à des ressources publiques de manière biaisée et leur procure des bénéfices matériels ou financiers. Et les dits marchés classifiés en politico-administratifs et socio-économiques. Tant qu’il y’aura des individus disponibles pour ces types d’échanges clandestins, la corruption ne peut que se développer. De plus les informations sur les cas de corruption proviennent en général de la rumeur pour les cas d’enrichissement personnel et de la presse qui use le plus souvent du conditionnel pour révéler les faits. Il se susurre que…selon des indiscrétions il y aurait eu détournement dans … Enfin l’autre arme de lutte contre la corruption c’est la justice. Il se trouve que l’institution judiciaire elle-même est rongée par ce mal.

Une certitude demeure pourtant. Délit d’apparence ou pas on peut affirmer avec l’honorable Laurent BADO qu’il est malsain de prétendre que certaines situations ne relèvent pas de la corruption. Car quoi que l’on dise, sous nos tropiques trois situations permettent à une personne d’accéder à la richesse : le travail, la chance ( par l’héritage ou par les jeux de hasard) , et le vol. Malheureusement il se trouve que le travail ne conduit pas qu’à la richesse et il n’est pas donné à tout le monde d’avoir de la chance. C’est peut être ce qui explique que beaucoup préfère atteindre le sommet sans efforts.

tabyam ouedraogo
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Silence coupable ou impuissance ?

Les Bukinabè consomment de plus en plus de gaz butane. Une consommation qui croît chaque année de manière importante occasionnant par moment des poches de pénuries. Au-delà, une pratique a pris de l’ampleur depuis quelques années au point de constituer de nos jours un obstacle à l’essor du secteur du gaz butane au Burkina Faso : la vente illicite des bouteilles.
Se procurer une bouteille de gaz vide est aussi aisé que s’acheter une baguette de pain dans la ville de Ouagadougou. Il suffit pour ce faire de se rendre dans n’importe quel coin de rue et vous trouverez des commerçants vendant des bouteilles de gaz butane vides ou parfois pleines, toutes marques confondues.
 Cette vente de bouteilles vides est pourtant illégale selon les textes portant organisation de la concurrence au Burkina Faso. Selon l’arrêté n°02-45 du 3 juin 2002, les bouteilles de gaz sont la propriété privée des distributeurs et ne peuvent par conséquent être vendu par une tierce personne. En effet, étant responsables tant du point de vue de la sécurité que du point de vue de la propriété des différentes marques de bouteilles agréées, les distributeurs sont en principe seuls habilités à consigner les bouteilles.
Du reste, les taux de consigne qui sont fixés par Arrêté du Ministre du Commerce (Arrêté n°02-45/MCPEA/SG du 3 juin 2002 et son additif du 09 août 2002) sont les suivants pour les bouteilles couramment utilisées : bouteille de 2 ,75 Kg : 9 000 F. CFA bouteille de 6 Kg : 13 500 F. CFA bouteille de 10,8 Kg : 16 000 F. CFA bouteille de 12,5 Kg : 16 500 F. CFA

Aussi, toute personne qui voudrait se procurer une bouteille vide devrait s’adresser exclusivement à un distributeur ou à son mandataire (revendeur agréé). De même, tout consommateur peut changer de marque ou restituer sa bouteille par exemple et récupérer son argent (déconsigne). Exactement comme cela se fait lorsqu’on se rend à la cave pour se procurer une caisse de bière (on se présente avec des bouteilles vides en échange de bouteilles pleines ou on consigne les bouteilles).
Malheureusement, les dispositions ci-dessus sont méconnues des consommateurs qui achètent ainsi plus cher les bouteilles avec les commerçants aux abords des rues, encourageant par la même occasion, à leur corps défendant, la vente illicite des bouteilles. Une autre conséquence de cette situation est la recrudescence des vols de bouteilles chez les revendeurs et dans les domiciles dans la mesure où la bouteille a une valeur marchande importante. Les distributeurs également ne sont pas moins lésés par la vente illicite des bouteilles.

En effet, il semblerait que les prix de revient des bouteilles qu’ils importent sont supérieurs à leurs taux de consigne. Malgré cela, ils sont tenus de se conformer strictement à la réglementation en matière de consigne. En revanche, les commerçants aux abords des rues ne respectent pas cette réglementation et vendent les bouteilles (dont ils ne sont pas du reste propriétaires) à des prix nettement plus élevés que les taux homologués. Ce qui constitue un frein à la vulgarisation du gaz butane dans la mesure où ces taux homologués ne bénéficient pas aux consommateurs.
Pourtant, l’arrêté n°00-58 MCIA/SG/IGAE du 8 septembre 2000 portant interchangeabilité des bouteilles soulignait en son article 2 ceci : « Les distributeurs de gaz butane sont et demeurent responsables tant du point de vue de la sécurité que du point de vue de la propriété des différentes marques d’emballages qu’ils ont introduites sur le marché burkinabè » .Cela signifie clairement qu’en cas de problème ou d’accident grave survenu à cause d’une bouteille, le distributeur dont la marque est concernée devrait répondre . Cela signifie également que pour être distributeur de gaz butane au Burkina Faso, l’on doit également importer ses propres bouteilles et y porter sa marque.

Ce qui a l’avantage à la fois de responsabiliser les distributeurs et de les mettre à l’abri de toute concurrence déloyale. C’est dans le même esprit qu’a été mis fin à l’interchangeabilité des bouteilles. Cette disposition, selon les partisans de l’interchangeabilité des bouteilles demande un effort supplémentaire au consommateur puisse qu’il doit forcement se rendre chez le revendeur qui dispose de la même marque que lui pour s’approvisionner en gaz butane. Cependant il y a un risque de désorganisation du secteur qui, à la longue ne profiterait pas au consommateur. En effet si les distributeurs sont affaiblis par la fraude et la concurrence déloyale, cela peut déstabiliser le secteur et partant, porter un coup à l’économie nationale en termes de baisse de revenus de l’Etat (impôts) et d’augmentation du taux de chômage. En dernier ressort, c’est le consommateur qui en pâtirait le plus. Le respect des textes régissant le secteur du gaz incombe selon l’arrêté n°02-45 du 3 juin 2002, à la direction générale du commerce et à l’Inspection générale des affaires économiques (IGEAE). Malheureusement jusqu’à présent on ne voit aucune action concrète entreprise par ces structures pour endiguer le phénomène de la vente illicite des bouteilles.
Est-ce un silence coupable ou tout simplement une impuissance de ces structures face à la situation ? Il est difficile de répondre à cette question. En attendant, le phénomène prend des proportions inquiétantes avec l’entrée dans le pays des bouteilles de gaz « France au revoir ».
Toute chose qui risque de mettre en péril la politique actuelle de l’Etat qui est de rendre le gaz accessible au plus grand nombre de citoyens. Au regard de ces enjeux, l’Inspection générale des affaires économiques, malgré les moyens modestes dont elle dispose doit briser le silence et mettre un peu d’ordre dans le secteur. Cela éviterait qu’on la taxe de complice des réseaux de distribution parallèles. Les distributeurs ont également leur partition à jouer. En effet, étant donné qu’il s’agit de leur survie, ils devraient unir leurs forces pour mener des campagnes de sensibilisation des consommateurs sur les conséquences préjudiciables de la vente illicite des bouteilles. Des mesures d’accompagnement comme la multiplication des points de vente agréés pourraient également s’avérer salutaires.

Fatouma Sophie Ouattara

mardi 16 mars 2010

Les ménagères transforment leur fardeau en flambeau

mardi 16 mars 2010

Faire régulièrement la cuisine pour la famille est une préoccupation pour les femmes déjà affectées à d’autres tâches domestiques. Mais des dames ont décidé de « cuisiner » pour la ville, voire le monde entier, réussissant du même coup à transformer la préoccupation en occupation lucrative. Les artisanes alimentaires inaugurent chaque jour le lever du soleil à Ouagadougou et dans les principales villes du pays. Le remue-ménage du petit matin dans la capitale est un concert de pas et d’ustensiles des femmes qui apprêtent le riz, le haricot, la bouillie, les galettes et les gâteaux qu’elles vendront aux passants dans les heures qui suivent.

Au même moment et toujours dans la pénombre du jour naissant s’affairent les artisanes du dolo, la bière locale brassée selon une technique millénaire.

Puis, juste un peu plus tard, les vendeuses de soumbala, de beurre de karité et d’autres produits de cuisine, quittent leurs domiciles et prennent place dans les marchés et yares. Par tradition, la cuisine est une affaire de femmes aux Pays des Hommes intègres. L’artisanat qui en a découlé reste encore de nos jours une activité de survie pour nombre d’entre elles. Mme Marie-Thérèse Zongo née Somda est mère de trois enfants, elle habite à Pissy. Ménagère, elle vend aussi des galettes il y a une vingtaine d’années, depuis son mariage dit-elle. Installée au bord de la RN1 actuellement en réfection, Mme Zongo explique qu’elle se lève très tôt pour profiter des premiers passants du matin, avant que ces concurrentes établies non loin, n’arrivent à leur tour. Elle ressort le soir, pour des recettes totales journalières d’environ 4 mille francs « quand ça marche ». Avec ses enfants tous scolarisés, elle avoue faire de son mieux. « Je dépense mon argent pour le savon, la popote, l’habillement des enfants, leur argent de poche…dit-elle. L’argent de son travail ne suffit pas à faire face à ses besoins, ainsi qu’elle le reconnaît : « on ne peut pas réussir avec tout ça ». Elle s’était retrouvée à la case-départ c’est-à-dire sans le capital de son activité, après s’être remise d’un panaris de la main gauche. C’est avec l’aide d’une parente qu’elle a repris son activité à l’allure vacillante. L’on ne dispose pas de chiffres sur les femmes qui vivent de l’artisanat alimentaire. L’on sait seulement que l’artisanat de façon générale couvre 9 corporations, 110 métiers. Il représente 20% du PIB et constitue le deuxième secteur pourvoyeur d’emplois juste après l’agriculture et l’élevage.

Le gouvernement, des partenaires au développement et de nombreuses ONG ont alors travaillé au développement de ce secteur en offrant des formations aux femmes réunies en groupements.

La coopération autrichienne a particulièrement apporté son soutien au Programme d’appui à l’Artisanat dans l’Ouest du Burkina (PARTOU) et au Projet d’appui aux micros et petites entreprises artisanales (PERCOMM). Il y a aussi le programme Promotion de l’artisanat au Burkina (PAB) soutenu par la Coopération suisse et le Projet d’appui aux micro- entreprises rurales (PAMER) appuyé par le Fonds international pour le développement en Afrique (FIDA).

L’Etat lui-même a mis en place la Commission nationale de promotion de l’artisanat fonctionnelle depuis 1995 et la Concertation des institutions d’appui aux artisans et aux PME, créée en 1992. Ces efforts ont eu des résultats que l’on constate à certaines occasions : la Semaine nationale de la culture (SNC) lors de la compétition en art culinaire, le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou dans le pavillon agroalimentaire ou encore les Journées agroalimentaires (JAAL). Les produits sont désormais mieux présentés, dans des sachets étiquetés et disposent de points de vente. Mais tout cela reste bien souvent le business de la survie, incapable de produire des économies pour les lendemains incertains, à plus forte raison pour les générations à venir. Toutefois, dans ce gros lot d’artisanes de l’alimentaire, émerge une autre race de femmes, celles qu’on classe dans la catégorie des dames de cœur, de fer ou du savoir- faire de l’art culinaire.

Des ambassadrices aux manches retroussées

Traoré Asséto, femme cinquantenaire de foyer. En 1989, elle vendait encore de la bouillie accompagnée de galettes comme on en voit partout dans les rues des villes burkinabè. Elle a forcé le destin et à ce jour, elle a déjà sillonné le Niger, le Mali, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Ghana. Elle caracole à la tête des femmes burkinabè les plus innovantes en matière de mets locaux (Lire dans la précédente parution « L’Histoire de la vendeuse de bouillie d’Allah ».

Sabine Sana, née il y a maintenant 40 ans, est une rapatriée de Côte d’Ivoire. Malgré la crise et ses corollaires de violences dans ce pays en 2002, elle y est repartie « pour mourir d’un coup » plutôt que de souffrir. Elle s’est envolée en 2009 en Allemagne pour prendre part à la semaine verte de Berlin grâce notamment à son travail sur l’attièkè made in Burkina Faso. Mieux, la présidente de l’« Association Teg Taaba pour la survie des rapatriés de la Côte d’Ivoire » souhaite dire au monde qu’elle et ses camarades ne sont plus dans une situation de survie. « On a quitté la survie, on vit maintenant », dit-elle tout sourire.

Avant, Sabine a tout essayé avec ses mains. Son dernier passage en Côte d’Ivoire, elle a préparé et vendu du vinaigre, de l’eau de javel et du savon liquide. Mais une fois à Ouagadougou, elle s’est associée avec d’autres rapatriées pour fonder l’association Teg Taaba pour la survie des rapatriés de la Côte d’Ivoire forte de 620 membres organisée en 31 unités de production d’attièkè (chiffre du 10 février 2010).

L’Association compte parmi les grands clients, l’Université de Ouagadougou, l’Université de Bobo Dioulasso et celle de Koudougou. Durant l’année académique 2008-2009, les femmes ont pu livrer en moyenne 4 tonnes d’attièkè par semaine soit environ 10 millions FCFA de chiffres d’affaires en 9 mois. Elles s’étaient jetées dans un premier temps dans la germination du mil destiné à la préparation du dolo ainsi que dans l’extraction du beurre de karité. Si elles avaient des clients pour ces activités, Sabine et ses camarades n’étaient pas plus douées que celles qui occupaient déjà ce terrain.

C’est alors qu’elles ont remarqué l’attrait des Ouagalais pour l’attièkè, le couscous à base de manioc, un plat dont la préparation est connu des rapatriées. Pour râper le manioc approvisionné à partir de Bobo, elles ont perforé des tôles ; et pour attirer l’attention du public, elles ont organisé une dégustation au siège de leur association à Kilwin. Les résultats ne se sont pas fait attendre. Aujourd’hui, Sabine revendique la paternité de la technique de transformation de l’attiéké à base de la pâte à placali et de l’attièkè séché.

Ce dernier produit lui a valu la participation en novembre 2009 de participer à la semaine verte de Berlin. L’institut de recherche en sciences appliquées et technologies (IRSTA), est en train d’analyser l’attièkè séché pour lui établir des normes de qualité et déterminer ses composantes nutritionnelles. L’Institut national pour l’environnement et la recherche agricole (INERA) pour la part a sélectionné une variété de manioc, la V5 (94/0270), qui se vulgarise grâce à l’appui du PNUD. Un plan de « relance » de la production a été validé au cours d’un atelier le 12 février dernier à la direction des archives nationales. Mais tout n’est pas rose, le business des femmes rapatriées de Côte d’Ivoire souffre souvent du non respect des engagements financiers des gros clients. La situation est telle que Priscille Zongo, l’épouse du Premier ministre, a intervenu pour leur donner des conseils précieux. Ainsi, le ministère de l’Emploi et de la Jeunesse est sollicité pour apporter son soutien en termes de constitution de fonds de garantie auprès des banques ou d’octroi de prêts directs. Par sa tenacité, elle a irradié de courage tout son entourage. La section de Léo, mise en place en 2006, dispose d’un siège au secteur4 de la ville et compte 37 personnes. « Ça va un peu ! », a dit modestement Fanta Ouédraogo, la représentante de la section. Celle de Tanghin-Dassouri ne s’en plaint pas non plus. Sauf la trésorière de l’Association nationale, Maria Ouédraogo qui se plaint pour sa caisse. Les grands clients accuseraient des grands retards pour s’acquitter de leurs engagements et cela conduit à des pénalités au niveau de la banque auprès de laquelle elles ont contracté des prêts. A certaines périodes, elles connaissent aussi des pénuries de matières premières. Mais dans l’ensemble, ces femmes regardent un horizon plus promoteur. Les autorités leur avaient offert des parcelles pour l’exploitation de manioc qui a vu sa culture se développer davantage à Ouagadougou, à Saponé, à Kombissiri, dans les Hauts-Bassins, dans les Cascades et au Sud-ouest. Des ONG et projets Helvetas et APIPAC se sont joints aux dames. Des boutures de ce précieux tubercule sont venues de la Côte d’Ivoire pour une expérimentation à Barma (Kourwéogo), Dapélgo (Oubritenga) et Bousma (Sanmatenga).

« Avec tout ça, la production est insuffisante pour satisfaire les besoins », dit-elle. Alors l’association continue de s’approvisionner en matière première à partir de la Côte d’Ivoire pour un coût de 4 à 5 millions FCFA par semaine. La tempête étant passée, Sabine Sana rappelle à tous de par sa lucidité, qu’elle a un bon niveau scolaire (la terminale) et une conscience politique élevée. « Si cet argent revenait aux burkinabè, ce serait bien, dit-elle avant de plaider « l’indépendance économique des femmes » et « pour qu’on mette l’accent sur l’irrigation au Burkina ». D’année en année, Sana Sabine, celle qui voulait mourir d’un coup, a désormais envie de vivre, mieux, elle donne envie de vivre de par son soutien aux gens qu’elle héberge mais aussi de par son large sourire sans fard à toute occasion. Elle héberge en effet 4 filles et trois enfants et apporte du soutien à certaines de ses camarades encore en difficulté.

Elles vendent le Burkina dans des sachets et dans des assiettes

D’autres visages peu connus sont aussi, mine de rien, le porte-flambeau de nos spécialités culinaires. Partout où elles passent, à l’intérieur mais surtout à l’extérieur, elles vendent l’image du Burkina Faso à travers leurs produits. Pauline Zoungrana/Ki de l’association Bô-Beoog Neeré (En quête d’un avenir meilleur) habite au secteur 23 d’Ouagadougou. Elle met en sachet du couscous, de la farine, du zoom-koom+ instantané qu’elle dépose dans les alimentations ou vend dans les services, les domiciles et lors des expositions. Un sachet d’un kilo de mabléri est vendu à 1500 FCFA. « Je vis de ça », dit-elle. Elle ne sait ni lire ni écrire. Néanmoins, elle va réussir dès 1991, à « inventer » le couscous mabléri fait à partir d’une association de la farine de maïs, de blé et de riz et devenu populaire et connu de toutes les femmes transformatrices de céréales. Tout au moins, elle revendique ce nom et regrette de ne l’avoir pas protégé. « Je suis la créatrice de mabléri. A l’origine, j’ai proposé les noms mabléri, blémari et rimablé et les clients m’ont amenée à retenir mabléri », soutient Mme Zoungrana. Sans se décourager et avec le soutien de projets et d’ONG comme Association Songui Manegre-Aide au développement endogène (ASMADE) et Afrique verte, elle poursuit avec enthousiasme son activité. Entre-temps, elle a inventé le couscous Rima (riz-maïs). Sûre de la qualité et de l’authenticité de ses produits mabléri, elle rêve de décrocher un jour un prix aux Journées agroalimentaires. « C’est à la préparation qu’on voit la différence », se vente-t-elle. Une autre dame, Sawadogo née Bambara Angèle, fait du couscous de patate au riz, mais reste la spécialiste du couscous à la viande hachée, le mieux vendu de tous les couscous au Burkina, selon Asséto Traoré, sa camarade. Angèle a commencé cette activité en 2002 de retour d’un voyage d’études au Mali où elle avait été séduite par le travail d’une transformatrice. Avant, elle a tout essayé : vendeuse d’eau glacée, de zoom-koom, de bassi au lait, du riz, du haricot, du tô...« C’est en tâtonnant que je suis arrivée là », concède-t-elle. Aujourd’hui, elle est la patronne de l’Unité de production « Merveilles du Faso » implantée à Gounghin, au secteur 8.Elle travaille à la maison avec d’autres femmes. Selon ses dires, elle est beaucoup sollicitée pour ce qu’elle fait. « C’est un couscous que les gens aiment. On n’arrive même pas à satisfaire nos clients », déclare-t-elle. Les commandes de Mme Sawadogo viennent de la capitale, mais aussi des provinces- Koupèla, Tenkodogo, Korsimoro, Koudougou et Bobo-Dioulasso où elle dispose de partenaires revendeuses. Il y a aussi une dame au Ghana qui vient prendre pour revendre. En début de ce mois de février, elle a enregistré sa plus grande commande, 100 mille francs, venant de Kaya. Elle se prépare activement pour prendre part à la compétition en art culinaire lors de la Semaine nationale de la culture (SNC Bobo 2010), avec du déguè jaune qu’elle baptise « déguè de maïs jaune au coco râpé », une nouveauté pour les Burkinabè plutôt habitués au déguè de petit mil. L’histoire de ces dames est commune à toutes les femmes de ménage du Burkina, sauf leur parcours qui reste marqué par la volonté d’innover, de toujours pousser vers l’avant. Lors de sa formation, Mme Sawadogo Angèle a appris à faire du couscous de maïs jaune, qui en terme d’affaires allait mieux que ce qu’elle avait toujours fait. Mais elle y a ajouté du couscous de maïs blanc aux carottes et persil. C’était encore mieux, ce qui ne va pas l’empêcher d’introduire dans ses couscous de la viande hachée et séchée.

Le succès économique fut encore plus encourageant, l’obligeant à augmenter considérablement sa production et à embaucher des employés. N’empêche, elle va continuer à chercher et se retrouver avec du couscous de patate au riz puis aujourd’hui avec du dèguè jaune.

D’autres, non moins battantes, exercent dans l’artisanat alimentaire pour homme, mais aussi pour les animaux. C’est le cas de Patricia Zongo de l’association « Femme bats-toi » qui vente le mérite d’un aliment de bétail à l’huile de balanitès, une plante locale. Mais l’approche familiale, voire ancestrale persistante dans les activités, confine encore la plupart des artisanes aux rôles de ménagères en quête de petits sous destinés à la soupe familiale. Dans ce cas de figure, les femmes s’épuisent davantage et entraînent dans leur sillage des enfants qui se lèvent tôt ou se couchent tard afin d’aider leurs mères, leurs tutrices ou leurs patronnes. Néanmoins, ces artisanes par leur travail laisseront sans doute leur nom dans les grands hôtels ouest africains et les supermarchés du monde, tout au moins, elles auront mené une belle aventure alimentaire pour le Burkina de demain, promis à un avenir de pays émergent.

Aimé Mouor KAMBIRE

lundi 15 mars 2010